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Comment transmettre le son et la musique ?
ⶠ21.12.21
âșGuilhem Lacroux
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âșGuilhem Lacroux
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Lorsque nous Ă©tions trĂšs jeunes, mon pĂšre nous installait, mon frĂšre et moi, au milieu de ses enceintes pour nous faire Ă©couter Lâapocalypse selon Saint-Jean de Pierre Henry, Ummagumma des Pink Floyd, des 45 tours de musique traditionnelle occitane, les variations Goldberg de Bach par Glenn Gould⊠Il y avait une guitare Ă la maison, et jâai pris des leçons dans le village avec un professeur de guitare Jazz, qui mâa Ă©galement appris lâharmonie jazz et classique. Tout en jouant dans diffĂ©rents groupes aux esthĂ©tiques diffĂ©rentes, je suis rentrĂ© au conservatoire Ă lâĂąge de 18 ans pour notamment apprendre la composition. Avec Yann Gourdon et Pierre-Vincent Fortunier nous avons montĂ© notre trio TOAD en 2004 puis fondĂ© la Novia en 2009. Nous avons avec JĂ©rĂ©mie Sauvage et Matthieu Tilly commencĂ© Ă jouer avec Tanz Mein Herz.
Les musiques que je pratique â que ce soit la musique des troubadours avec Serr, la musique traditionnelle du massif central avec La Novia, la crĂ©ation contemporaine avec Spirito oĂč les musiques expĂ©rimentales avec mon solo⊠â ont toutes un pied dans un temps qui est passĂ©, mais sont des musiques dâaujourdâhui car elles sont en jeu maintenant et ici. Je les ai reçues et elles sont Ă la fois orales, Ă©crites et aurales (fixation du son sur un support permettant une transmission en dĂ©calĂ©).
La transmission des musiques traditionnelles â terme raccourci « de musiques issues de sociĂ©tĂ©s dites traditionnelles » â sâeffectue la plupart du temps de maniĂšre orale. Certains collecteurs ont transcrit ces musiques sur papier avec une notation qui reflĂ©tait assez peu la libertĂ© de lâinterprĂšte, la qualitĂ© de la modalitĂ© et du tempĂ©rament.
Cette oralitĂ© permet dâavoir des musiques qui sont toujours en mouvement par la grĂące des musiciens qui cherchent malgrĂ© tout Ă faire « toujours jamais pareil ». Sâinspirant de tel collectage jouĂ© dans cette aire gĂ©ographique, cette version dâautres ornementations, dâautres timbres, dâautres orchestrations, des choix de bourdon, de tempĂ©rament diffĂ©rents dâune autre version.
MalgrĂ© ces appropriations multiples et variĂ©es un Ă©lĂ©ment reste fixe dans ces musiques alors que beaucoup dâautres peuvent ĂȘtre modifiĂ©s petit Ă petit. Parfois câest le thĂšme qui peut ĂȘtre sur des Ă©chelles variĂ©es, ou bien sĂ»r des rythmiques diffĂ©rentes selon quâelle devient une scottisch ou une bourrĂ©e, ou les cadences qui terminent les phrases et indiquent aux danseurs quand la forme Ă©volue. Les paroles peuvent avoir nombre de variantes ; on peut retrouver une mĂ©lodie avec de nombreux textes diffĂ©rents, ou bien le mĂȘme texte sur une autre mĂ©lodie. Cela sâentrechoque et voyage dâune rĂ©gion Ă une autre â pour preuve ces chansons collectĂ©es en Occitanie qui parlent de la Loire â Trente Matelots. Varier permet de continuer Ă ĂȘtre en mouvement, Ă vivre â comme un virus. ClĂ©ment Gauthier me disait ĂȘtre arrivĂ© au constat suivant : ââLe dĂ©but et la fin de la mĂȘme chanson sont toujours les mĂȘmes, le chanteur peut ainsi tracer son chemin Ă lâintĂ©rieur. Parfois, le climax, le point le plus haut est lui aussi fixĂ© et inamovible.â
Lâappropriation par lâĂ©coute, le geste propre Ă chacun, lâaccordage avec lequel il joue, transforme petit Ă petit une « source originelle », et tant mieux me semble-t-il. La quintessence du morceau est toujours prĂ©sente, mais le morceau Ă©volue par Ă -coups ou bien rĂ©guliĂšrement, car lors de cette transmission â en bal, en bĆuf, en stage, en concert â se dĂ©roule un Ă©change sonore et vibratoire en prĂ©sence.
Présence incertaine, impossible, innommable.
Comment sâassurer dâune prĂ©sence ? Il faut un tĂ©moin qui en ait eu lâexpĂ©rience sensible, et que je puisse croire sans craindre quâil ne me trompe ou ne fasse erreur. Mais un tel tĂ©moin, qui offrirait une garantie absolue, nâexiste pas. Si tout tĂ©moin peut se parjurer, la prĂ©sence elle-mĂȘme est dĂ©pourvue de certitude. Il suffit dâune marche, dâun pas, dâun dĂ©placement, pour se soustraire Ă la prĂ©sence.
Les mĂ©dias dâaujourdâhui (tĂ©lĂ©vision, radio, Internet) veulent faire croire Ă la prĂ©sence immĂ©diate de ce quâils montrent. Mais le temps rĂ©el nâexiste pas, toute image est construite. Les journalistes ou commentateurs ne tĂ©moignent pas dâun rĂ©el mais relancent les spectres, jamais prĂ©sents comme tels, qui fondent une mondialisation dont les enjeux restent non dĂ©clarĂ©s, encryptĂ©s.
Sâil nâest de prĂ©sence que diffĂ©rĂ©e, dans un rapport Ă lâaltĂ©ritĂ©, alors la prĂ©sence pure est impossible. MĂȘme en disant « je », ou « je suis », ou « je suis vivant », je ne garantis pas ma prĂ©sence, car on peut trouver des expressions de ce type dans nâimporte quel texte ou Ă©crit. Elles fonctionnent par-delĂ lâabsence du sujet et mĂȘme par-delĂ la mort. Que suis-je ici, maintenant, Ă cette date ? Je ne le sais pas, câest pour moi un schibboleth.
Jacques Derrida, Le Cahier de lâHerne sur Jacques Derrida, Editions de lâHerne, 2004, p. 527
Il y a toujours une Ă©criture dans lâoralitĂ©.
La musique des troubadours est une musique Ă©crite, mais elle nous est parvenue sous une forme lacunaire : certains manuscrits sont incomplets ou trouĂ©s, dâautres ne proposent que le texte, dâautres ont plusieurs versions peu ou extrĂȘmement variĂ©es. Dâautre part, les musicologues nâarrivent pas Ă prĂ©ciser les qualitĂ©s de la notation rythmique. Les luthiers font des copies dâinstruments mĂ©diĂ©vaux, mais notre façon de penser le monde est bien diffĂ©rente de celle de la femme et de lâhomme du XIIe siĂšcleâââla pensĂ©e du temps mĂ©canique est vĂ©ritablement apparue plus tardivement, lâamour courtois et les troubadours ont disparus au XIIIe siĂšcle.
Ce rĂ©pertoire, bien que notĂ©, est donc un lieu parfait pour interprĂ©ter et sâapproprier cette musique en la faisant vibrer avec notre prĂ©sent. Des temps longs â la moindre canso dure entre 6â et 15â â, le tempĂ©rament inĂ©gal, la libertĂ© rythmique du chant, une pensĂ©e non harmonique de la musique, la libertĂ© totale quant Ă lâorchestration offrent au musicien un vĂ©ritable espace dâappropriation.
La musique baroque, qui semble pourtant trĂšs Ă©crite, est remplie dâespaces ou la transmission orale est fondamentale. En effet, les diminutions ne sont pas notĂ©es, mais selon lâintention Ă donner les ornements seront diffĂ©rents. La Basse continue est notĂ©e de maniĂšre codĂ©e, Ă chacun de « rĂ©aliser » la musique, mais selon les rĂ©gions de lâEurope, les traitĂ©s peuvent se contredire : doublure du chant ou interdiction de doublure par lâaccompagnateur par exemple.
Au cours de lâhistoire de la musique classique occidentale, le compositeur nâa eu de cesse de vouloir rendre plus prĂ©cise sa partition. Mozart a Ă©crit les cadences â parties originellement laissĂ©es libres Ă lâinterprĂšte.
On peut sâamuser Ă comparer deux interprĂ©tations dâune musique Ă©crite avec la plus grande prĂ©cision possible â je pense au « Marteau sans maĂźtre » de Pierre Boulez â et se rendre compte que lâinterprĂšte change complĂštement la qualitĂ© de la musique quâil produit sans trahir ce qui est notĂ©. LâĂ©criture a toujours Ă©tĂ© pensĂ©e comme une permanence de ce qui est dit, or la partition est seulement une promesse de musique que le musicien, lĂ aussi, sâappropriera. Il y a toujours de lâoralitĂ© dans lâĂ©crit.
Ă peu prĂšs au mĂȘme moment dans la tradition des compositeurs de musiques Ă©crites apparaĂźt au XXe siĂšcle dâautres façons de penser le temps, dâautres relations Ă lâinterprĂšte, dâautres Ă©critures, avec des processus comme par exemple les musiques expĂ©rimentales amĂ©ricaines â des Ă©critures Ă interprĂ©ter â ouvertes comme chez Henry Pousseur â des notations relatives comme chez György Kurtag.
Conlon Nancarrow a Ă©crit de nombreuses piĂšces pour piano mĂ©canique. Insatisfait des interprĂ©tations trop imprĂ©cises produites par les musiciens dont il disposait. Le dĂ©filement rĂ©gulier des cartons percĂ©s nous fait entendre des rapports de tempi, des superpositions, des Ă©volutions temporelles inouĂŻes et donc trĂšs difficilement exĂ©cutables. Sa partition est aussi son interprĂšte, son support audio. Il a poussĂ© Ă un point extrĂȘme les Ă©critures du temps.
Le rĂȘve de Rabelais de geler les mots dans la glace afin de les entendre aprĂšs quâelle se soit brisĂ©e a finalement vu le jour grĂące Ă Edison et Charles Cros. On a commencĂ© Ă collecter des musiciens comme Alan Lomax aux USA. Dâabord les sessions Ă©taient gravĂ©es en direct sur des disques de cire, puis sur bandes magnĂ©tiques, Parfois les gens collectĂ©s Ă©taient ĂągĂ©s, voire nâavaient plus dâinstruments Ă eux comme LĂ©on Peyrat en Auvergne. Cela a donnĂ© Ă ces enregistrements des couleurs particuliĂšresâŠ
Avec lâutilisation et la dĂ©mocratisation de lâenregistrement â possibilitĂ© dâĂ©couter et de rĂ©Ă©couter inexorablement le support audio est devenu, Ă lâinstar du support visuel quâest la partition, un nouveau rĂ©fĂ©rent qui est lui aussi soumis Ă interprĂ©tation de la part de lâauditeur. Câest comme si dans notre sociĂ©tĂ© avant tout visuelle, le son se faisait noble.
En traçant les contours dâun visage, on le nomme figure â ce qui est positif, quand on lâĂ©coute on parle dâune gueule â comme pour un animal.
Lydia Krest
Cette photographie sonore, cette captation dâun temps prĂ©sent â mais passĂ© depuis â peut sâĂ©riger aussi parfois comme une nouvelle norme. Or, lâenregistrement nâest pas la musique mais lâimage de la musique. Elle nâest plus vivante â mĂȘme si parfois on arrive Ă en capter des bribes â mais elle est lâimage de la vie Ă un moment donnĂ©, dans un lieu donnĂ©, avec des choix de cadrage â de prises de son â et des qualitĂ©s audio plus ou moins hautement fidĂšles. Nous avons ainsi des bouts de carton qui bougent et qui nous font vibrer. Cela a engendrĂ©, je pense, aussi une autre façon de concevoir, de pratiquer et de recevoir la musique.
Lâenregistrement a fait naĂźtre la culture aurale : câest-Ă -dire une captation et une fixation du signal sonore qui permet une Ă©coute avec une possibilitĂ© infinie de rĂ©Ă©coutes, dâarrĂȘts, dâaccĂ©lĂ©rĂ©s. Cela permet de capter ce qui nous Ă©chappe dans lâinstant du jeu, de pallier Ă notre mĂ©moire souple avec le risque de figer, de musĂ©ifier une interprĂ©tation. Cela permet dâapprĂ©hender aussi les musiques hors de leur milieu et de leur contexte et hors du temps prĂ©sent du jeu, avec pour trace, la prĂ©sence sonore du musicien dĂ©sormais absent.
Cela offre aussi une rencontre diffĂ©rĂ©e entre lâacteur et lâauditeur, entre lâexpĂ©rimentateur et lâĂ©crivain du sonore dans un incessant aller-retour.
Avec lâapparition de la division du travail, nos sociĂ©tĂ©s qui Ă©taient traditionnelles se sont transformĂ©es en sociĂ©tĂ©s modernes comme le dĂ©crit Emile Durkheim 1 .
Il est dĂ©sormais rare de produire « un objet » du dĂ©but Ă la fin de son processus. Les objets que nous utilisons pour fabriquer nous semblent de plus en plus mystĂ©rieux et difficiles Ă rĂ©parer, car de plus en plus complexes technologiquement. Nous travaillons parfois avec des gens que nous avons choisis mais qui habitent loin, que lâon voit dĂ©sormais Ă distance par internet lors du confinement. La communautĂ© â des gens habitant et travaillant au mĂȘme endroit â laissent petit Ă petit place aux communautarismes. Câest comme si, notre distance Ă lâautre ne cessait de sâagrandir que ce soit dans la guerre â du poing au missile â et dans la paix â de lâinstrumentiste en prĂ©sence au concert en streaming. Câest comme si cette auralitĂ© Ă©tait Ă©troitement liĂ©e Ă lâapparition de nos sociĂ©tĂ©s modernes. Câest comme si la transmission qui est Ă lâĆuvre dans nos sociĂ©tĂ©s modernes sâappuyait de plus en plus sur des mĂ©thodes, des savoir-faire, une division du travail avec une hyper spĂ©cialisation, et tout un tas de filtres/âcadrages technologiques, tandis que le rapport humain direct, la prĂ©sence vibratoire sâĂ©loigne.
Or, je crois Ă lâĂ©change des Ă©nergies par les gens qui Ă©coutent la musique en train de se faire, le partage dâun temps prĂ©sent Ă©phĂ©mĂšre, Ă un sentiment communionnel quâoffre le temps du concert â espace vibratoire et immatĂ©riel.
Lors de lâĂ©criture de musique, je me pose toujours la question de la transmission Ă lâinterprĂšte â quand je ne suis pas en prĂ©sence des gens qui jouent, ce qui arrive rarement. Il y a toujours un Ă©quilibre Ă trouver entre trop de prĂ©cision et un certain flou. Le musicien, pour moi, doit saisir les enjeux de ce quâil joue, pour faire sienne la musique. Il nâest pas seulement un ouvrier spĂ©cialisĂ©, il est un artiste avec des qualitĂ©s, des aspĂ©ritĂ©s. Sâil se trouve Ă©panoui dans la musique quâil porte, il transmettra la musique au public de maniĂšre encore plus puissante. Il sâagit donc de trouver la notation adĂ©quate â pour ma part, mĂ©lange de notation classique, de notation littĂ©raire, graphique, et de champs indĂ©finis et laissĂ©s libres, que lâoralitĂ© viendra ou non accompagner, Ă©clairer.
G.R.A.V.I.R.âââJacques PuechâââGuilhem Lacroux
Lorsque jâĂ©cris pour transmettre et/âou que je joue, je le fais avec les outils de mon Ă©poque, et ils sont multiples. Ă savoir, aussi bien des instruments acoustiques, que Ă©lectrifiĂ©s, que des sons enregistrĂ©s et Ă©lectroniques, que des instruments prĂ©parĂ©s ou jouĂ©s de maniĂšre classique. De mĂȘme, la pensĂ©e de la musique suit ce chemin, ma culture et mon appĂ©tence pour les musiques anciennes, traditionnelles, contemporaines, psychĂ©dĂ©liques et expĂ©rimentales dansent en moi, se chevauchent, se contredisent. Le rĂ©sultat nâa absolument pas prĂ©tention Ă faire Ă©cole, mais jâai le sentiment de creuser mon sillon en apprenant Ă me perdre, de saisir quâinventer de la musique est dâabord une fabrique de rĂšgles du jeu, de processus, qui pourront bien sĂ»r ĂȘtre dĂ©passĂ©es, transgressĂ©es par les artistes.
Peut-ĂȘtre que lâenregistrement est une tentative de garder un lien avec ces Ă©changes dâĂ©nergies, avec le spirituel, de garder un lien avec les sociĂ©tĂ©s traditionnelles qui nous ont forgĂ©s et que nous quittons. Jâai aussi utilisĂ© le support du carton pour Ă©crire et faire jouer avec une boĂźte Ă musique, mais de maniĂšre Ă ce quâelle soit interprĂ©tĂ©e par la chanteuse. Ainsi, contrainte par la fixation de lâordonnancement des hauteurs, elle choisit et joue, des arrĂȘts, des vitesses, des accĂ©lĂ©rations et ralentis. Par cette contrainte, sa libertĂ© est libĂ©rĂ©e.
Ă lâĂ©poque oĂč lâĂȘtre humain est placĂ© dans des dispositifs fort coercitifs, il me semble fondamental de proposer des partitions oĂč des rĂšgles du jeu prĂ©cises et exigeantes qui gĂ©nĂšrent des comportements libertaires.
Il me semble que plus jâĂ©cris, plus je travaille pour laisser des espaces de libertĂ© aux musiciens.
Cette passion dâouvrir des trous dans les remparts, de berner les douanes, câest aussi, bien sĂ»r, le refus des cloisons Ă©tanches Ă lâintĂ©rieur de notre sociĂ©tĂ©, câest la passion dâune sociĂ©tĂ© sans classes ni castes, oĂč chacun puisse manifester sa diffĂ©rence, sa relation unique aux autres nĆuds du rĂ©seau, du flux, de la vibration. Ainsi les Ćuvres mobiles introduisent-elles une brĂšche dans la sacro-sainte distinction entre auteur et exĂ©cutant, et mĂȘme entre la salle et la scĂšne, entre musiciens et public
Michel Butor, 1997, Postface à Pousseur H musiques croisées
Il me semble que transmettre, câest comme Ă©crire ou jouer. Au moment oĂč ça se fait, câest une recherche dâĂ©quilibre/dĂ©sĂ©quilibre, entre le contexte et la volontĂ© individuelle, entre le travail que lâon mĂšne et le travail qui se passe en nous silencieusement, entre lâattention consciente et concentrĂ©e que lâon porte et la dispersion, la nonchalance, entre lâĂ©tat du jour et le temps de la nuit. Vouloir mais pas tout le temps. Ătre de son temps, pour moi, câest vivre dans son Ă©poque, mais ailleurs. Câest ĂȘtre dans et hors de ce temps pour avoir un recul sur elle, pour pouvoir lâencenser, la critiquer, la malmener, la secouer, la frotter.
La contemporanĂ©itĂ© est donc une singuliĂšre relation avec son propre temps, auquel on adhĂšre tout en prenant ses distances ; elle est trĂšs prĂ©cisĂ©ment la relation au temps qui adhĂšre Ă lui par le dĂ©phasage et lâanachronisme. Ceux qui coĂŻncident trop pleinement avec lâĂ©poque, qui conviennent parfaitement avec elle sur tous les points, ne sont pas des contemporains parce que, pour ces raisons mĂȘmes, ils nâarrivent pas Ă la voir. Ils ne peuvent pas fixer le regard quâils portent sur elle
Giorgio Agamben â Quâest-ce que le contemporain
- De la division du travail social a Ă©tĂ© publiĂ© en 1893 par Ămile Durkheim, sociologue français, considĂ©rĂ© comme le pĂšre fondateur de la sociologie française.
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