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Chroniques de l’école d’art 1ère chronique _ Échappées de l'école
ⶠ12.10.21
âșGabrielle d'Alessandro
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Chroniques de lâĂ©cole dâart est une sĂ©rie de chroniques Ă suivre sur notre site et qui questionne lâĂ©cole dâart Ă partir dâexpĂ©riences et dâĂ©crits. Nous rĂ©flĂ©chirons aux particularitĂ©s des formations de la culture, qui peuvent se rĂ©vĂ©ler tortueuses, et participent Ă la construction de professions artistiques qui font exception dans lâorganisation sociale du travail.
Ces billets seront basĂ©s sur un corpus, sans cesse en extension, dâĂ©crits de jeunes travailleur·euse·s de lâart ou Ă©tudiant·e·s en art. Les ouvrages qui les composent sont pour la plupart Ă©ditĂ©s par des ami·e·s, ou des connaissances de cercles peu lointains, dessinant alors un groupe de pensĂ©e questionnant lâĂ©cole en tant quâinstitution, sans pour autant sây opposer frontalement. Ces billets mettront en regard les problĂ©matiques des Ă©coles dâart avec des solutions potentiellesâââsouvent articulĂ©es collectivementâââpensĂ©es pour y Ă©voluer plus sereinement.
Le corpus avec lequel nous travaillerons est initiĂ© par Gabrielle dâAlessandro, et contient des textes de aalliicceelleessccaannnnee&ssoonniiaaddeerrzzyyppoollsskkii, CĂ©line Ahond, Amicale de la DĂ©confiture, Marion Bonjour, AurĂ©lien Catin, Gabrielle dâAlessandro, Louis Garrido, Louise HervĂ© & ChloĂ© Maillet, Madiana KanĂ© Vieyra, Fanny Lallart, Alina Lupu, Vinciane Mandrin, Julie Marmet, Antoinette Metzger, Anouk Nier-Nantes, Precarious Workers Brigade, Jules Rouxel, Oan Serrano, Show,âŠ
LâĂ©tĂ© arrive, le soleil est haut et chauffe la peau. Les Ă©tudiant·e·s passent leur journĂ©e Ă dĂ©placer des socles, Ă repeindre des salles, la chaleur de leurs doigts fait onduler le papier de leurs Ă©ditions toutes fraichement imprimĂ©es. Ce sont les derniĂšres semaines Ă lâĂ©cole, lâair est moite dâĂ©motion et dâanxiĂ©tĂ©, les diplĂŽmes approchent.
đ¶ SheilaâââLâĂ©cole est finie !
En Ă©cole dâart, la fin du cursus est bien particuliĂšre : lâĂ©tudiant·e de cinquiĂšme annĂ©e doit prĂ©senter, Ă lâoral, en une trentaine de minutes, ce qui fait sa particularitĂ© et son intĂ©rĂȘt. Certain·e·s construiront un cheminement dans lâĂ©tendue de leurs prĂ©occupations des cinq derniĂšres annĂ©es, dâautres prĂ©pareront un moment prĂ©cis et destinĂ© aux personnes prĂ©sentesâââdonc globalement, au jury.
La grille dâĂ©valuation que reçoivent les membres du jury classe les qualitĂ©s du jeune artiste entre sa force crĂ©ative et ses capacitĂ©s Ă la raconter. Ces membres ne reçoivent pas de consigne particuliĂšre quant Ă la bienveillance ou au rĂŽle exact quâiels doivent endosser, situĂ© entre le·la conseiller·Úre et le·la censeur·euse.
LâĂ©tudiant·e en art, dĂšs son choix de candidater pour cette formation, verra ses annĂ©es dâĂ©tudes traversĂ©es de questions et de jeux de pouvoir qui finalement reflĂštent aisĂ©ment une vision de la pĂ©dagogie de lâenseignement supĂ©rieur. Le fait quâiel ait la possibilitĂ© mĂȘme dâenvisager ces Ă©tudes dĂ©voile, plus quâun attrait pour la crĂ©ativitĂ©, la chance de pouvoir se consacrer Ă celle-ci. Ces Ă©coles sont accessibles par le passage dâun concours (payant), comprenant des Ă©preuves dâĂ©criture et de dissertation pour la plupart, suivies dâune prĂ©sentation de travaux, pendant lequel les qualitĂ©s dâorateur·rice seront bien plus recherchĂ©es que celles dâun·e crĂ©ateur·rice. Ce sont dâailleurs ces qualitĂ©s de reprĂ©sentation du travail qui sont dĂ©veloppĂ©es dans les classes prĂ©paratoires, puis consolidĂ©es pendant les temps dâĂ©valuation semestrielle au cours du cursus, jusquâau diplĂŽme.
Ă la fin de lâĂ©cole dâart, lâĂ©tudiant·e en art nâest pas en vacances, mais dĂ©bute ce quâon appelle la vie professionnelle.
Pendant mes Ă©tudes, jâai cherchĂ© Ă construire, avec dâautres Ă©tudiant·e·s tout aussi inquiet·Úte·s, des outils permettant dâapprĂ©hender la pĂ©riode post-diplĂŽme. Parmi les outils, il y eut lâexercice de rĂ©daction du mĂ©moire, qui suivait dâabord cette injonction universitaire, dĂ©coulant des accords de Bologne 1 . Partant de pratiques dâartistes qui questionnaient et manipulaient le marchĂ© de lâart, je suis arrivĂ©e Ă questionner lâabsence dâinformation sur les sujets du marchĂ© et du travail au sein de lâĂ©cole dâart. Un journal de recherche surplombait lâensemble dâentretiens, lectures, schĂ©mas,âŠ, et jây Ă©crivais en 2018 :
Nous naviguons, dĂšs notre arrivĂ©e dans ce microcosme [lâĂ©cole dâart], sur une dynamique tiraillĂ©e par la culpabilitĂ© quant Ă nos privilĂšges, et par la dĂ©solation quant Ă notre exclusion des fonctions sociales classiques. Il est rappelĂ© frĂ©quemment que tou·te·s les Ă©tudiant·e·s de lâĂ©cole nâauront pas la chance dâĂȘtre rĂ©ellement un·e artiste, bien que lâart occupe leur temps et soit professĂ© par ils ou elles. En effet, ce statut, plus que mĂ©tier, sera donnĂ© Ă la-dite personne par un tas dâĂ©lĂ©ments extĂ©rieurs : regroupons pour le moment ces Ă©lĂ©ments sous les gros mots « marchĂ© » et « sociĂ©tĂ© ».
Ce rappel est donnĂ© par un systĂšme dâĂ©valuation basĂ© sur lâoral et la prestance, mais Ă©galement, comme dans toutes les cours de rĂ©crĂ©ation, par la visibilitĂ© offerte par lâĂ©cole aux « plus dĂ©gourdi·e·s », celleux qui contacteront la bonne personne pour les workshops, ou qui lĂšveront la main au moment dâĂ©lire le bureau de lâassociation Ă©tudiante. Cette apparente rĂ©alitĂ©, la sĂ©lection naturelle et extĂ©rieure Ă ses agissant·e·s, de ceux et celles qui seront les acteur·trice·s du monde de lâart, est renforcĂ© par le mythe suivant : ces mondes de lâart sont un systĂšme, donc immuable, donc illisible, car dotĂ© dâun caractĂšre in-comprĂ©hensible. En effet, les mondes de lâart communiquent avec les mondes du droit, et les mondes de la finance, et tous ces mondes crĂ©ent des lois dont on ne pourrait apprendre les dĂ©crets. Je prends sur moi de dire quâon ne risque pas de les apprendre, effectivement, si personne ne nous les enseigne. Nous sommes donc bercé·e·s, dans lâĂ©cole dâart, par une comptine doublĂ©e dâun mensonge : nous ne pourrions dĂ©cider de quoi retourne notre future activitĂ©, et ce parce que nous nâavons mĂȘme pas les capacitĂ©s dâen questionner les retors. 2
Nous retrouvons cette impression de tiraillement dans beaucoup de discussions dâĂ©tudiant·e·s en art, qui se sentent sans cesse illĂ©gitimes dans le monde du travail, et pourtant privilĂ©giĂ©s dâavoir pu choisir cette voie.
En 2020, je dĂ©couvre de loin le travail de Fanny Lallart, et sa page instagram. Me font dâabord tiquer ses dĂ©tournements des symboles de lâargent, comme une forme dâappropriation dâun vocabulaire qui nous est interdit et qui donne du pouvoir. Je lis ensuite son mĂ©moire en .pdf, dans un train, assise malheureusement Ă lâinverse du sens de la marche. Le fait de rouler Ă lâenvers me donne la nausĂ©e, et le fait de lire ses mots dans lesquels je me retrouve, le tournis. Je lui Ă©cris directement un mail de remerciement, et ici commence un Ă©change de messages, et des invitations successives. Plus tard, nous Ă©changeons nos mĂ©moires (le sien, souple et orange fluo, au design simple mais marquant, le mien, trop grand et Ă©pais, au graphisme volontairement troublant) et prenons un cafĂ©. Câest pour son diplĂŽme, Ă lâENSAParis-Cergy, auquel elle mâavait invitĂ©e Ă participer, que je propose pour la premiĂšre fois une lecture croisĂ©e de textes autour de lâart, de lâargent, et dâĂȘtre une fxmme dans tout cela.
On lit dans son mémoire 3 :
Jâai lâimpression que lâĂ©cole [dâart] est un lieu duquel il nous est demandĂ© en permanence de nous extraire. Câest un sanctuaire dans lequel il mâest demandĂ© de faire abstraction de la valeur Ă©conomique du travail que je produis. Sa structure me contraint tous les jours Ă fabriquer une fiction. Je dois faire un effort dâimagination et me projeter dans un monde oĂč lâartiste est un ĂȘtre Ă©trange, Ă lâabri de toute nĂ©cessitĂ©.
Iel nâa ni besoin de vendre sa production, ni besoin de faire rĂ©munĂ©rer son travail.
Dans ce monde, lâart est beau, lâart est pur, car les projets ne sont pas pervertis par le souci vulgaire de devoir gagner sa vie.
Bien que les Ă©coles dâart essayent depuis quelques annĂ©es dâintĂ©grer une forme de professionnalisation aux cursus des Ă©tudiant·e·s, les formes qui sont choisies ne correspondent ni aux envies de celleux-ci, ni aux rĂ©alitĂ©s quâiels rencontreront aprĂšs le diplĂŽme. Iels sont en effet nombreu·x·ses Ă questionner lâespace dâapprentissage comme un systĂšme reproduisant des modĂšles oppressifs et inĂ©gaux dans lesquels iels ne souhaitent plus Ă©voluer, et les milieux de lâart comme un modĂšle du travail exceptionnel. Les travailleur·euse·s de lâart dĂ©pendent en gĂ©nĂ©ral de plusieurs statuts (auteur·rice·s, auto-entrepreneur·rice·s, vacataires,âŠ), et il est alors difficile dâorganiser la profession dâune façon claire, comme un autre mĂ©tier. De ceci dĂ©coule un aspect positif qui est le fait dâĂȘtre un·e travailleur·euse libĂ©ré·e du patronat, et alors libĂ©ré·e dâune forme dâexploitation directe et primaire. Cependant, le manque Ă©vident de sĂ©curitĂ© sociale et financiĂšre de ces professions pousse les travailleur·euse·s de lâart Ă sâauto-exploiter, et pire encore, Ă exploiter leurs pairs. Lâun des manquements est par exemple, de toujours penser une rĂ©munĂ©ration adaptĂ©e Ă une production finale, plutĂŽt que correspondante au temps de travail effectuĂ© en amont ; bien que des groupes dâartistes et dâactivistes rĂ©flĂ©chissent Ă des solutions pour y pallier, par exemple, Ă travers une forme dâintermittence. Pourtant, la profession artistique ne dĂ©finit pas seulement le travail dâartistes plasticiens qui produiraient des marchandises, mais dâautant de thĂ©oricien·ne·s, dâintervenant·e·s, de curators,⊠qui elleux-mĂȘmes changent de rĂŽles et sâallient.
đ” ForseâââIâm Looking For A Job
La professionnalisation en Ă©cole dâart rĂ©pond encore Ă un modĂšle de carriĂšre dâartiste qui ne correspond plus Ă lâorganisation rĂ©elle des jeunes artistes au sortir de lâĂ©cole. Dans le discours des enseignants, dans lâorganisation compĂ©titive des temps dâĂ©valuation, rĂ©sonne une vision individualisante qui place lâartiste et sa pratique au-dessus des considĂ©rations Ă©thiques.
En effet, lâĂ©cole dâart est vĂ©cue pour beaucoup de jeunes artistes comme une bulle privilĂ©giĂ©e, bien que traversĂ©e dâinĂ©galitĂ©s sur lesquelles je reviendrai dans une autre chronique. Câest un espace oĂč le dĂ©veloppement dâune crĂ©ativitĂ© personnelle est central. Le·la jeune Ă©tudiant·e a de lâespace et du temps pour parler de sa pratique, qui a souvent un lien fort avec ses questionnements intimes, ce qui est fortement encouragĂ© par des mises en scĂšne dâĂ©valuation oĂč le personnel est mis en avant, et qui permettent de se dĂ©marquer dâun travail sur la technique seule. Selon lâorganisation des Ă©coles et des ateliers, lâĂ©tudiant·e va ĂȘtre amené·e Ă dĂ©fendre son travailâââet donc sa maniĂšre de penser et sa sensibilitĂ©âââtoutes les semaines ou tous les semestres, devant un groupe de personnes (Ă©tudiant·e·s, enseignant·e·s) qui sont lĂ pour argumenter, faire avancer, rĂ©flĂ©chir Ă ses propositions. Ce sont des espaces et des oreilles dont on peut ressentir lâabsence en quittant lâĂ©cole, isolé·e·s dans des pratiques individuelles, sans atelier collectif par exemple. Ă ceci sâajoutent lâapprentissage de techniques et la manipulation de matĂ©riaux Ă lâaccĂšs plus ou moins aisĂ© selon les Ă©coles, mais toujours plus aisĂ© quâen la quittant.
A contrario de ce confort, est jouĂ© par lâinstitution de lâĂ©cole le thĂ©Ăątre de la « vraie » vie, celle qui devrait attendre les Ă©tudiant·e·s aprĂšs le diplĂŽme : un systĂšme dâĂ©valuation et de jugement, qui dĂ©passe les notions dâesthĂ©tique et de technique en mettant en jeu lâaspect relationnel et de diffusion du travail de lâĂ©tudiant·e.
Nous lisons ici les mots dâOan Serrano, ancien·ne Ă©tudiant·e de lâESII Poitiers, puis AngoulĂȘme. Nous nous connaissons au dĂ©part des workshops inter-Ă©cole dâart que nous avons pu organiser ensemble, mais jâai pu lire ses textes quand une amie me les a transmis alors que je cherchais des Ă©crits dâĂ©tudiant·e·s et jeunes artistes qui rĂ©flĂ©chissent Ă lâĂ©cole dâart comme une institution tiraillĂ©e de contradictions. Son mĂ©moire est un site web 4 en ligne, composĂ© de diffĂ©rents journaux de recherches, de vidĂ©os, de courts essais. Câest assez difficile dâaccĂšs car trĂšs dense, mais jâaime y retrouver la maniĂšre de cogiter fructueuse et bavarde dâOan.
Dans cette partie, iel discute les modes dâĂ©valuation et de notation que les enseignant·e·s appliquent en fonction des textes ministĂ©riels, et qui sont pourtant en dĂ©saccord avec une vision sensible de « ce qui fait art ». Iel Ă©crit Ă propos du rĂŽle que prennent les personnes de son jury, qui sont pourtant des personnes avec qui iel a habituellement des relations proches de lâamitiĂ© (les relations en Ă©cole dâart sont justement floues, cherchant Ă effacer les sensations de hiĂ©rarchie).
Bah du coup câest un peu Ă©trange, je mâĂ©tais pas attendu Ă leur rĂ©action. En fait, les membres du jury je les avait dĂ©jĂ eu en RDV individuel, et dans ses cas lĂ je sens une sorte de proximitĂ©, comme si je les connaissais bien, y a un ensemble de mimique dans leur geste, enfin comme dans un entretien quoi. Mais lĂ câĂ©tait diffĂ©rent, beaucoup plus froid, jâavais lâimpression quâils Ă©taient dans une posture de silence, jâavais lâimpression que câĂ©tait pas les mĂȘme que je connaissais. Comme si ils jouaient vraiment le rĂŽle du jury quoi, comme une simulation. Ăa mâas fait bizarre. Moi Ă cĂŽtĂ©, avec ce truc de la sincĂ©ritĂ©, je me suis dis câest bon je joue pas le rĂŽle du candidat, mais du coup jâĂ©tais face Ă des gens qui eut jouaient un autre rĂŽle, qui limite nâosaient pas intervenir. Enfin câest comme ca que je lâai ressenti, câĂ©tait trĂšs diffĂ©rents des RDV que jâai eu jusque lĂ . Alors peut ĂȘtre que câĂ©tait parce que lĂ câĂ©tait en collectif. Faudrait voir, si je pouvais comparer avec un RDV en collectif par exemple.
Ă un autre niveau, lâĂ©cole « joue Ă faire semblant pour de vrai » (je reprends lâexpression de CĂ©line Ahond, que jâaurais le plaisir de vous prĂ©senter dans une autre chronique) lorsquâelle institue des temps de professionnalisation.
Ces temps rĂ©vĂšlent finalement une confrontation entre les maniĂšres de recevoir un enseignement auxquelles sont habitué·e·s les Ă©tudiant·e·s en Ă©cole (a priori dans lâĂ©coute, la bienveillance, le sensible, lâapprĂ©ciation commune), et la volontĂ© des Ă©coles dâart de former des « professionnel·le·s », câest Ă dire des travailleur·euse·s prĂȘt·e·s Ă sâintĂ©grer au marchĂ©. On y retrouve alors la visite dâun avocat qui prĂ©sente froidement les modalitĂ©s juridiques de la vie dâartiste, listant des chiffres qui sont bien Ă©loignĂ©s de la rĂ©alitĂ© dâune jeune carriĂšre. Des galeristes et autres collectionneur·euse·s sont invité·e·s Ă visiter les passages de diplĂŽmes blancs des Ă©tudiant·e·s, portant des questions mercantiles parfois trĂšs Ă©loignĂ©es des approches de ces dernier·Úre·s. Enfin, lâĂ©cole dâart mime le marchĂ© qui attendrait nos futur·e·s jeunes artistes, en les plaçant dĂ©jĂ en compĂ©tition. Les mentions aux diplĂŽmes sont mises en avant, et une sĂ©rie de prix (offerts pour la plupart par les partenaires institutionnels et financiers de lâĂ©cole) est attribuĂ©e sans grande clartĂ©.
Je reprends ici les mots dâAnouk Nier-Nantes, dans lâĂ©pisode quatre de son podcast La vie dâartiste 5 , quâelle a rĂ©alisĂ© pendant le premier confinement, Ă la fin de sa cinquiĂšme annĂ©e dâĂ©tudes en art.
extrait de La vie dâartiste, dâAnouk Nier-Nantes
Comme elle lâexplique en partie, le procĂ©dĂ© dâĂ©lection des Ă©tudiant·e·s primé·e·s dâabord par le corps enseignant, puis par le jury, nâest pas exposĂ© Ă tou·te·s, ni mĂȘme aux personnes concernĂ©es. Je rajouterai Ă son rĂ©cit que la distribution de ces prix est tout Ă fait thĂ©Ăątral, sur lâestrade, dans le jardin de la HEAR Strasbourg, pendant la fĂȘte des diplĂŽmes. Cet Ă©vĂ©nement couteux, le catalogue Ă©ditĂ© Ă cette occasion, et ce systĂšme de prix participe de fait aux financements que lâĂ©cole reçoit, et en compose la vitrine. Une journĂ©e de lâexposition des diplĂŽmé·e·s est dâailleurs consacrĂ©e Ă la visite des « profession·nel·les » qui dĂ©ambulent, privilĂ©gié·e·s dans les installations. Cette visite est prĂ©sentĂ©e comme une occasion rĂȘvĂ©e pour les jeunes artistes de faire remarquer leur travail, mais permet en rĂ©alitĂ© Ă lâinstitution de lâĂ©cole de se faire remarquer Ă travers leur travaux. Il va sans dire que cette exposition et la prĂ©sence des Ćuvres des Ă©tudiant·e·s dans le catalogue ne sont Ă©videmment pas rĂ©munĂ©rĂ©es, bien que produisant de lâargent. Les diplĂŽmes et leur exposition sont donc pour les Ă©tudiant·e·s une expĂ©rience Ă taille rĂ©elle de professionnalisation dans ce quâelle est de nĂ©faste : une opĂ©ration couteuse, sans aide Ă la production, et une mise en compĂ©tition, sans prise en charge des frais de reprĂ©sentation et dâexposition.
Anouk, Ă partir de Pierre-Michel Menger, souligne ensuite ce que cela exemplifie pour lâorganisation des travailleur·euse·s que deviendront les Ă©tudiant·e·s, mĂȘme en dehors des pratiques de lâart.
extrait de La vie dâartiste, dâAnouk Nier-Nantes
Bien que des personnes croient encore en ce systĂšme de marchĂ© Ă©litiste, dâautres ne sây retrouvent plus, et inventent la profession artistique dans une vision anti-capitaliste. Nous verrons dans une prochaine chronique comment lâorganisation collective permet de repenser ces pratiques et de mettre en commun des solutions pour pallier Ă lâexploitation et au manque de distribution des richesses dans le monde de lâart.
đ¶ GaucheâââPay Day
- RĂ©forme europĂ©enne de lâenseignement supĂ©rieur qui visait Ă harmoniser les formations sur un modĂšle de Licence-Master-Doctorat, et qui lisse finalement les spĂ©cificitĂ©s historiques de chaque universitĂ© et Ă©cole. En aura Ă©galement dĂ©coulĂ© lâadoption par la plupart des Ă©coles dâart du statut dâEPCC (Ătablissement Public de CoopĂ©ration Culturelle), ce qui en modifie la gĂ©rance et les financements (le pouvoir dĂ©cisionnaire revenant aux collectivitĂ©s territoriales). â
- De celui dont je mange le pain, je chante aussi la chanson, Gabrielle dâAlessandro, 2019 â
- 11 textes sur le travail gratuit, lâart et lâamour., Fanny Lallart, 2019 â
- Ce mĂ©moire est la trace dâune recherche, Oan Serrano, 2019 â
- La vie dâartiste, Anouk Nier-Nantes, 2020 â
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