retrouvailles

Date◶27.05.19
Auteurâ˜șThéo Revelen Bernard
Durée3:0
Comm.🗹0
10 €
retrouvailles

10 euros

impression

numérique

tirage

150

pages

20

format

35 x 50

Ces bancs, tables et assises ont ponctué mes voyages en Géorgie.

Je les ai systĂ©matiquement photographiĂ©s afin de pouvoir garder en mĂ©moire ces Ăźlots dont chaque Ă©dification acte d’une libertĂ© essentielle. 

Ces formes sont construites Ă  partir de matĂ©riaux simples et glanĂ©s dans les rues alentour. Pierres, planches de coffrage, barres mĂ©talliques, fils de fer en sont les principaux constituants. Ces bancs et assises apparaissent comme des implants venant se greffer naturellement au construit. Cet acte fondateur consistant Ă  poser une pierre ou une planche se suffit Ă  lui-mĂȘme. Il est l’acte d’érection minimal et essentiel, celui qui Ă©lit un lieu banal et le transfigure en un endroit alors chargĂ© d’affects.

Ces espaces constituent, de jour comme de nuit, de vĂ©ritables oasis construites par et pour ceux qui peuplent la rue
 LĂ  oĂč le porche d’un magasin, les marches d’une supĂ©rette ou le parapet d’un mur appartiennent de toute Ă©vidence Ă  autrui, ces formations prĂ©caires dĂ©crĂštent par leur Ă©dification la crĂ©ation d’un espace neuf, inĂ©dit et fonciĂšrement indĂ©pendant.
Leurs fonctions sont aussi multiples que les identitĂ©s de leurs auteurs. Une simple planche posĂ©e au beau milieu d’un champ permet de garder son pantalon sec, de contempler le panorama, de s’abriter Ă  l’ombre du plus bel arbre des environs
 

Au sein de ces espaces se tissent une multitude de relations. Sur ce banc on attend la relĂšve, sur cette table on parie quelques piĂšces de monnaie, certains y mendient, d’autres y conversent et, plus tard, quand l’ivresse et la nuit auront peu Ă  peu recouverts les esprits, la discussion se transformera en chant
 

D’autres de ces assises sont des lieux de recueillement. En GĂ©orgie il est traditionnellement commun de construire une petite table entourĂ©e de deux bancs Ă  proximitĂ© de la tombe d’un parent dĂ©funt. C’est entre amis ou seul qu’on lui rendra visite afin de cĂ©lĂ©brer sa mĂ©moire par la boisson et la nourriture. 

Ici, dans la rue, en m’asseyant sur ce banc, je sens que je m’invite sur le territoire d’un autre.
Ces manifestations spontanĂ©es contredisent l’ingĂ©nierie sociale comme les designs standardisĂ©s. Elles sont les cabanes secrĂštes construites par les enfants.

Ces constructions sont fragiles. Ce sont des refuges chargĂ©s d’affects et d’attachement. Ils tĂ©moignent d’une intelligence du geste en situation via un savoir-faire Ă©purĂ© et pratique qui exclut toute forme de fioriture et de dĂ©corum. Elles trĂŽnent sans pompe comme des Ă©vidences. Elles sont les preuves discrĂštes mais tangibles des multitudes de liens et d’attachements interindividuels trop souvent invisibilisĂ©s. 

Cette publication et ces images leur rendent hommage ainsi qu’à leurs auteurs anonymes dont les gestes simples me rendent admiratif et me remplissent d’émotions.



Cet ouvrage et les images qui le composent ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es par ThĂ©o Revelen Bernard. Il Ă  Ă©tĂ© produit grĂące Ă  SynesthĂ©sie MMaintenant Ă  l’initiative de Lou Maria Le-Brusq dans le cadre de sa rĂ©sidence À l’invitation rĂ©pondre par l’invitation. Traductions & corrections : Alexander Bainbridge et Pauline Chasseray De Peraldi. Typographies libres de droits Avara & Sporting Grotesque dĂ©ssinĂ©es par RaphaĂ«l Bastide et Lucas Le Bihan, merci Ă  www​.vel​ve​tyne​.fr, typographie gĂ©orgienne Sylfaen dessinĂ©e par Besarion Gugushvili. Remeciements particuliers Ă  Lou Maria Le Brusq & Cyril Makhoul, Vasso & Cochette, ainsi qu’à Gela Patashuri, Ă  l’ensemble du collectif silo et Ă  tous les potes. ImprimĂ© Ă  150 exemplaires.