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Librarioli D – La Partition
â¶ 20.01.20
âșEva Anna Maréchal
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Illustrations
Diane Malatesta
La partition
Cette piĂšce sonore composĂ©e par Maxime Maurel accompagne le texte dâEva Anna MarĂ©chal prĂ©sent dans le numĂ©ro D de Librarioli

Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, des communautĂ©s partout sur la planĂšte ont ressenti une forme dâurgence face Ă la destruction des maniĂšres de vivre et de mourir. (âŠ) Et une sorte de vague de sentiments et dâactions, de pensĂ©es et de mouvements a commencĂ© Ă balayer la terre en un sens trĂšs particulier. Des communautĂ©s de 150 Ă 500 personnes se sont formĂ©es (âŠ) autour dâune sorte dâintensitĂ© particuliĂšre ressentie, dâun besoin, dâune soif, dâun dĂ©sir et dâun projet, de vivre pour la rĂ©cupĂ©ration des crĂ©atures de la terre, quâelles soient humaines ou non-humaines. Dâapprendre Ă cultiver les arts de vivre sur une planĂšte endommagĂ©e.
Donna Haraway, Story Telling for Earthly Survival, documentaire de Fabrizio Terranova, 2016.
Quand on leurs demande, ils ne savent plus bien dâoĂč est venu le dĂ©clic qui les a fait quitter la ville. Certains disent quâils ont toujours voulu le faire, quâau fond ils savaient depuis longtemps que cette apnĂ©e-lĂ nâĂ©tait pas la vie et quâils avaient Ă©tĂ© capturĂ©s, intĂ©grĂ©s de force dans la marche inarrĂȘtable de ce quâils appelaient encore le progrĂšs. Ils disent aussi que sâils nâont pas Ă©tĂ© parmi les avant-gardistes â la vague dâexode urbaine qui avait saisi lâEurope de lâouest avait dĂ©butĂ© aux environs de 2023 â câest que dans leurs milieux, il y avait encore de terribles images : quitter la ville câĂ©tait ĂȘtre nĂ©cessairement trop de gauche ou trop de droite et ce nâĂ©tait pas supportable pour les gens raisonnables quâils Ă©taient. Ă ce moment-lĂ , disent-ils, la nature, celle des artistes, des Ă©crivains et des gens bien demeurait un espace de villĂ©giature.
Les choses avaient peu Ă peu changĂ©. Le milieu des annĂ©es 2010 avait marquĂ© lâĂ©mergence de thĂ©ories cosmiques faisant de la nature un sujet, dâabord dans les milieux intellectuels, puis, comme la traĂźnĂ©e de poudre que laissent les idĂ©es simples, par tous les canaux culturels. Il y eu des expositions, des livres, des manifestations de tout ordre. Les citadins allaient au musĂ©e pour se replonger dans la nature avec la mĂȘme fougue quâils mettaient auparavant Ă aller Ă la piscine pour se plonger dans une eau chlorĂ©e. On parlait de retrouver le vivant. Il fallait reconnecter lâenvironnement Ă lâici et au maintenant. Ceux qui avaient des souvenirs de ferme et de classe verte Ă partager gagnaient systĂ©matiquement la palme de lâattention et tout le monde sâĂ©tait mis Ă se remĂ©morer avec nostalgie les moments oĂč les alertes aux particules fines dĂ©clenchaient encore des dispositifs exceptionnels. Dans tous les milieux on parlait de prĂšs ou de loin de partir, dâun ton teintĂ© de rĂȘve.
Leur passage Ă lâacte eut lieu en 2034, Ă la suite dâun soir envolĂ©. Tout est diluĂ©, avait-elle dit. Tout est diluĂ©, tout se casse la gueule, câest de notre faute mais Ă part ne plus bouger et attendre on ne peut rien faire. On est pris dans de tels engrenages de responsabilitĂ©s que maintenant on ne sait mĂȘme plus quand on a raison et quand on a tort. Moi je me souviens quâavant les mĂ©chants câĂ©tait les agriculteurs qui Ă©pandaient des pesticides, ensuite on a compris que câĂ©tait plus large que ça, quâeux non-plus, ils ne voulaient pas avoir de cancer, du coup câest devenu la faute des industriels qui vendaient ces molĂ©cules. Et quand ça nâa plus suffi non plus de leur en vouloir uniquement Ă eux, on a commencĂ© Ă nous parler de consommer responsable et alors la coupable câest devenu moi quand jâachĂšte un pot de miel que je ne le paye pas assez cher. Câest comme si les solutions sâen Ă©taient allĂ©es en mĂȘme temps que le brouillard de la complexification sâĂ©tait abattu sur nous.
Elle avait eu ces mots forts et un peu grandiloquents, tous les autres avaient tous Ă©tĂ© plus ou moins touchĂ©s. Sâils ne ressentaient pas tous la culpabilitĂ© quâelle exprimait, tous avaient senti ce trouble, cette urgence Ă se rĂ©approprier le sens de leurs existences. Alors, ensemble, ils ont dĂ©cidĂ© de partir.
Ils ont vite trouvĂ© sur internet un terrain quâils pouvaient sâoffrir. CâĂ©tait dâanciennes terres agricoles dans le centre de la Bretagne. Depuis la fin de lâagriculture intensive, elles ne valaient plus rien. La suppression des derniers reliquats de la Politique Agricole Commune avait encouragĂ© les agriculteurs rescapĂ©s Ă sâenfuir vers la cĂŽte, sâarrachant les derniers appartements prĂšs de la mer, quâils louaient lâĂ©tĂ©, sâentassant, famille entiĂšre, dans une seule piĂšce afin de laisser le reste aux touristes effrayĂ©s par les 42° de moyenne quâaffichait dĂ©sormais trois mois par an le thermomĂštre dans le sud de la France. Les quatorze hectares de terrain ont Ă©tĂ© mis Ă leurs quinze noms et en juin 2034 ils sâinstallĂšrent tous Ă Magoar, petite commune dont le nom venait du breton « moger » et signifiait « murs en ruinesâ». « Foutu pour foutu » ayant Ă©tĂ© le leitmotiv des derniĂšres annĂ©es dâagriculture industrielle en France, ces anciennes terres paysannes avaient Ă©tĂ© exploitĂ©es jusquâĂ la moelle. Cela faisait une quinzaine dâannĂ©es quâelles nâĂ©taient plus considĂ©rĂ©es comme arables, mais, si vous y mettez du temps et que vous ne cherchez quâĂ vous nourrir vous-mĂȘme, vous pourrez peut-ĂȘtre en tirer quelque chose, leur avait-on dit.
Lâinstallation nâavait pas Ă©tĂ© trĂšs compliquĂ©e. Beaucoup dâentreprises commençaient Ă parier sur un exode urbain de jeunes gens au capital culturel et Ă©conomique consĂ©quents. Ils Ă©taient tombĂ©s sur une annonce interactive, et avaient investis dans une boite de permaculture en kit. CâĂ©tait extrĂȘmement simple, on allait sur le site internet, on remplissait diffĂ©rentes informations comme la rĂ©gion dans laquelle on allait sâinstaller, la taille et lâexposition du terrain choisi, la pĂ©riode Ă laquelle on partait, et on recevait une boite avec graines, boutures, engrais, manuel de conseils adaptĂ©s au projet de dĂ©localisation en question. Sur le prospectus accompagnant la boite, il Ă©tait dit que toutes les conditions avaient Ă©tĂ© rĂ©unies pour amener les acheteurs Ă lâautosuffisance le plus rapidement possible. Un service aprĂšs vente sur internet Ă©tait nĂ©anmoins proposĂ©, au cas oĂč ces volontaires Ă une nouvelle vie nâauraient pas la main verte.
Quand ils Ă©taient arrivĂ©s leurs idĂ©es Ă©taient claires. Il y avait cette terre Ă apprivoiser, des habitudes bĂ©tonneuses dont il fallait se dĂ©faire. Ils ont vite rĂ©digĂ© un contrat. Celui-ci stipulait que toutes les actions quâils avaient effectuĂ©es avant nâĂ©taient pas condamnables de maniĂšre rĂ©troactive, ils sâautorisaient donc Ă apporter avec eux lâensemble de leurs vĂȘtements, mĂȘme ceux provenant dâenseigne de fast-fashion ou contenant du duvet de canard. Pour ce qui concernait la technologie, ils dĂ©cidĂšrent ensemble de ne garder quâun smartphone. CâĂ©tait leur seul moyen de contact avec le monde, et celui-ci ne devait ĂȘtre utilisĂ© quâen cas dâurgence ou pour effectuer les quelques tĂąches administratives nĂ©cessaires au bon dĂ©roulement de leur projet. Leurs Ă©conomies cumulĂ©es serviraient Ă payer les impĂŽts fonciers. La partie la plus importante du contrat, rĂ©digĂ©e sous forme de manifeste, contenait les objectifs globaux. Tout devait dĂ©sormais ĂȘtre fait pour sortir de lâensemble des circuits de consommation classique, porteurs dâun poids moral dont ils ne voulaient plus sâencombrer Cependant, nâignorant pas que lâautosuffisance ne pourrait ĂȘtre acquise en quelques semaines, ils dĂ©cidĂšrent dans la pratique de se contenter dâespacer au maximum ces contacts pour lâinstant. Leur inclusion sur cette nouvelle terre se faisait sous une forme segmentĂ©e.
Ils ont trĂšs rapidement créé une forme dâorganisation parfaitement horizontale, les tĂąches Ă©taient rĂ©parties de maniĂšre Ă©quitable et personne ne nĂ©gociait. LâĂ©tĂ© avait consistĂ© en la mise en place de leur ballet dâhabitude. En dehors des tĂąches quotidiennes, ils se rĂ©unissaient une fois par semaine pour aborder des sujets de sociĂ©tĂ©, dâagriculture, dâĂ©conomie et ils sâacharnaient Ă repenser leur monde dâune maniĂšre close, sur ce quâils considĂ©raient comme une terra nova.
Ils avaient pris lâhabitude de jouer Ă un jeu. Ensemble ils avaient dĂ©fini un cercle sur la propriĂ©tĂ©, dont le centre Ă©tait marquĂ© par la vieille grange. CâĂ©tait un ancien grenier Ă foin, protĂ©gĂ© mais ouvert de tous les cĂŽtĂ©s. Lorsquâon Ă©tait en haut de la grange, on pouvait voir Ă trois cent soixante degrĂ©s et Ă plusieurs centaines de mĂštres de distance. Lâun dâentre eux montait dans la grande, fermait les yeux, comptait jusquâĂ sept. Pendant ce temps, les autres devaient progresser le long du cercle, jusquâĂ revenir Ă leur place dâorigine. Une fois le compte terminĂ©, ils devaient ĂȘtre invisibles aux yeux de la personne prĂ©sente dans la grange. Celle-ci criait « top !â» et balayait le cercle des yeux, cherchant un geste, une prĂ©sence, une ombre, trahissant la prĂ©sence dâun joueur. Sâil en voyait un, il prononçait son nom, le dĂ©signait, et celui-ci devait alors retourner au dĂ©part. Le gagnant Ă©tait le premier Ă parcourir lâensemble du cercle sans ĂȘtre vu.
Leurs journĂ©es se terminaient parfois Ă la riviĂšre, ils jouaient des heures dans lâeau, comme des enfants. Ils palabraient sur le bonheur et jouaient Ă se noyer en sâenfonçant la tĂȘte sous lâeau. Ils nâĂ©changĂšrent jamais autant de sourires que durant ce mois de juillet.
Mais lâhiver arriva, emmenant avec lui des sentiments quâils avaient naĂŻvement cru ĂȘtre lâapanage de la ville. Ils sâennuyaient, lâauto-suffisance Ă©tait encore loin, et chaque coup de canif Ă leur contrat Ă©tait vĂ©cu comme une dĂ©ception. Un soir ils se dĂ©cidĂšrent Ă parler de ce quâils trouvaient ici. Une fille aux cheveux chĂątains dit alors quâau fond elle, elle avait toujours eu besoin de comprendre, et quâen se rapprochant de la terre elle avait eu lâimpression quâelle pourrait tout comprendre, que tout serait plus simple. Elle pensait quâen partant de la base, toutes les constructions seraient claires de sens. Elle avait dit ensuite que sur cela, elle Ă©tait un peu déçue, que finalement ça ne changeait pas grand-chose. Un autre lui avait rĂ©pondu que son regard Ă©tait un peu condescendant. Elle nâavait pas compris et avait demandĂ© de rĂ©pĂ©ter. Et il lui avait rĂ©pĂ©tĂ©, ce nâest pas parce que tu nây connais rien que câest simple Ă comprendre. Ensuite il avait parlĂ© de la connaissance des forĂȘts centenaires, il disait que savoir oĂč placer chaque feuille sur une arborescence ça demandait de lâinstinct mais aussi beaucoup de connaissances. Elle avait senti lâirritation que sa remarque avait provoquĂ©e, et dans une tentative de calmer le jeu, elle avait rĂ©pondu quâentre une feuille de chĂȘne et une unitĂ© du CAC50 la complexitĂ© Ă©tait peut-ĂȘtre la mĂȘme, mais quâau moins une feuille de chĂȘne lui provoquait des Ă©motions. Ăa avait eu lâair de satisfaire lâensemble de lâauditoire. Ensuite elle avait saisi une feuille de chĂȘne morte par la tige entre son pouce et son index et lâavait fait tourner lentement entre ses doigts en se demandant sâil lui Ă©tait dĂ©jĂ arrivĂ© de mentir aussi franchement.
Cette discussion fut la premiĂšre qui souligna les dissensions qui existaient entre eux. Elle laissa un certain froid auquel le manque de luminositĂ© des derniers mois de lâannĂ©e nâarrangea rien.
La crise eut lieu au mois de fĂ©vrier. Les tensions qui Ă©taient prĂ©sentes depuis le dĂ©but de lâhiver Ă©clatĂšrent comme un orage. Lâun dâentre eux qui avait dĂ» se rendre au village Ă©tait revenu porteur dâune mauvaise nouvelle : des pluies toxiques Ă©taient tombĂ©s dans le sud de la Bretagne. Elles Ă©taient corrosives, attaquaient les champs et pouvaient brĂ»ler les peaux sensibles. Le golfe du Morbihan Ă©tait ravagĂ©, la vĂ©gĂ©tation brĂ»lĂ©e, la navigation de plaisance et la baignade interdites jusquâĂ nouvel ordre. Il en fit part aux autres, et immĂ©diatement certains dâentre eux, comme sâils ne mesuraient pas la gravitĂ© de ce qui venait dâĂȘtre dit, lui demandĂšrent oĂč et comment il avait pu avoir cette information. Lâun dâentre eux lui rappela quâils avaient conclu ensemble que le trop-plein dâinformations Ă©tait mauvais pour eux. Oui, ajouta un autre, on avait pourtant parlĂ© de la dictature de la transparence. Lui rĂ©pondit calmement que ces informations faisaient la une des journaux, que câĂ©tait Ă©crit partout. Il trouvait ces accusations injustifiĂ©es. AprĂšs tout, avait-il dit, leur ciel est aussi le nĂŽtre.
Le soir-mĂȘme, leur rĂ©union fut consacrĂ©e Ă lâincident. Le contrat ne prĂ©voyait pas vraiment de sanctions, mais ils Ă©taient tous conscients que la rĂ©ussite de leur projet nĂ©cessitait quâils soient sur la mĂȘme longueur dâonde. De toute façon, aucune autre option nâavait Ă©tĂ© envisagĂ©e. Ils discutĂšrent longtemps de lâimportance Ă donner Ă cette information. Quelques personnes du groupe arguĂšrent du fait quâils avaient dĂ©cidĂ© de sâaffranchir des autres, que sur ça le contrat Ă©tait clair. Un garçon mĂ©tis aux cheveux bruns prit la parole et dit que selon lui, il Ă©tait inscrit quâils avaient prĂ©vu de sâaffranchir des circuits sociĂ©taux, mais quâils nâavaient pas parlĂ© des manifestations du ciel et de la terre. Ils restĂšrent silencieux quelques instants. Ils se sentaient tous idiots.
Le garçon qui revenait du village reprit la parole en prĂ©cisant que ce nâĂ©tait pas une manifestation entiĂšrement naturelle. Les pluies avaient Ă©tĂ© créées par un dĂ©versement massif et illĂ©gal de produits toxiques couplĂ© Ă un tour complet du cycle de lâeau. Apparemment, avait-il ajoutĂ©, quand ça tombe les feuilles vertes passent de lâocre au rouge sang, elles paraissent rouiller en quelques minutes.
Du bout des lĂšvres, une fille brune aux cheveux courts prit la parole. Moi ce que je ne supporte plus câest la partition. On nous a donnĂ© les clĂ©s pour ĂȘtre critiques, on nâignore plus rien de la dĂ©raison de nos maniĂšres de vivre. Et pourtant il faut se lever, il faut marcher. Nous sommes partitionnĂ©s. Nous nâagissons pas en pensĂ©e, nous ne pensons mais jamais en acte. Nous avons tous cette rĂ©bellion en nous mais nous lâavons identifiĂ©e, repoussĂ©e, cloisonnĂ©e, sĂ©parĂ©e des bases qui nous font agir. On sây replonge, et elle nous excuse cette rĂ©bellion, elle nous pardonne, elle nous satisfait. Si elle existe câest que nous sommes moins pires que lâautre, parce quâau moins, nous on y pense Ă tout ça, Ă tout ce qui fout le camp. Et plus forte elle se fait, la rĂ©bellion, plus elle nous scinde. On est scindĂ©s, on est comme nos vieux disques durs. On sâexprime un coup, on lui donne ce quâelle veut la rĂ©bellion. Et on referme les yeux, on se protĂšge. Mais quâest-on en train de protĂ©ger ? La rouille qui attaque attaquera tout.
Finalement câest cette fille aux cheveux courts qui sâest barrĂ©e la premiĂšre. Le lendemain elle a laissĂ© une lettre aux autres en disant que la reconnexion nâaurait jamais dĂ» passer par lâenfermement, quâelle ne sâĂ©tait jamais moins sentie en combat que lors de cette pĂ©riode dâautosuffisance. Elle avait entourĂ© ce dernier mot de deux guillemets, tracĂ©s sur la feuille plus fortement que le reste du texte : le papier Ă©tait lĂ©gĂšrement plus enfoncĂ© et un dĂ©pĂŽt de carbonne sâĂ©tait formĂ©. Tout ça nâĂ©tait quâune forme dâabandon, ils avaient quittĂ© la sociĂ©tĂ©, et le problĂšme nâavait pas Ă©tĂ© dâaller habiter Ă la campagne, le problĂšme avait Ă©tĂ© de penser que quelquâun en aurait quelque chose Ă foutre. La rĂ©alitĂ©, Ă©crivait-elle, câest quâon a juste quittĂ© le navire, quâon a cru que dĂ©barquer Ă©tait un signe de protestation.
La fille aux cheveux chĂątains Ă©tait tombĂ©e sur la lettre la premiĂšre. Elle nâavait pas Ă©tĂ© surprise du dĂ©part de la fille aux cheveux courts, mais elle Ă©tait nettement plus troublĂ©e des raisons invoquĂ©es. Elle nota de se rappeler que la prochaine fois quâelle aurait un tel choix de vie Ă faire, elle ferait attention Ă ĂȘtre certaine que ses interlocuteurs donnent le mĂȘme sens quâelle aux mots quâils employaient. Car elle, elle nâavait jamais eu lâimpression dâĂȘtre arrivĂ©e ici en voulant changer quelque chose. Elle ne pensait nullement faire un geste engagĂ© ; et se rappelait mĂȘme avoir toujours Ă©tĂ© convaincue que la place quâelle laisserait derriĂšre elle se rĂ©sorberait aussitĂŽt quâelle serait partie. Elle ne serait le fantĂŽme de personne, aucune ombre signifiante ne planerait dans lâappartement citadin quâelle avait rendu Ă un propriĂ©taire content de pouvoir enfin augmenter le loyer.
Elle sortit dans le jardin, et en marchant vers le potager, elle se dit que le terrain quâelle Ă©tait en train de fouler nâavait jamais rien eu dâune zone Ă dĂ©fendre. Elle entra dans la grange et monta au grenier. Ensemble, ils nâen avaient jamais rien fait dâautre quâun support, une scĂšne dâexistence qui ployait maintenant sous le poids de la consolation quâils avaient cru y trouver. Elle sâavança vers lâouverture nord, celle qui donnait sur la maison. Sous ses pieds, des lattes vermoulues sâĂ©croulĂšrent. Heureusement, elle sâĂ©carta Ă temps.

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