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Librarioli №A – Le caméléon frappe la nuit
◶ 01.05.16
☺Celestin Krier
6:49
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☺Celestin Krier
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— Nous avons ici un organisme imitant parfaitement d’autres formes de vies. Cette chose a attaqué nos chiens, a essayé de les absorber et d’en assumer l’apparence. Ceci par exemple n’est pas un chien mais une imitation.
—La chose est morte avant d’avoir fini. Fini quoi ? D’imiter ces chiens. Elle a imité des milliers de formes de vies. Elle veut maintenant imiter des formes de vies terrestres. Le caméléon frappe la nuit.
—Ne le touche pas ! Ce n’est pas Bennings ! Avec du temps la chose serait devenue Bennings. Elle essayait d’imiter Bennings.
—La chose ne voulait pas être qu’un chien ! Elle avait une autre idée, mais vous vous en doutez. Elle voulait être nous ! Elle peut imiter qui elle veut sur terre où ailleurs ! La chose veut se cacher à l’intérieur d’une imitation.
Ces extraits de dialogues apparaissent dans le film de John Carpenter « the thing » The Thing. Ils décrivent la chose qui attaque et terrifie les malheureux compagnons d’une expédition américaine au point le plus méridional du globe. Cette expédition n’aura plus de scientifique que les ingénieux stratagèmes pour se débarrasser définitivement d’un être polymorphe, survivant grâce à l’imitation d’autres formes de vie. On pourrait aussi y lire un discours inquiet sur la mimèsis, sur la menace que peuvent représenter les apparences, sur cette mince couche qui donne à « une chose » la forme d’une autre.
J’introduis ici la question à propos d’un être, d’une chose pour laquelle la métamorphose est une technique de survie, dont il semble impossible de lui reconnaître une forme original et qui, dans le cas du film de John Carpenter, restera à tout jamais une question ouverte : le débat musclé qui se tiendra dans les paysages glacées de l’Arctique se clôturera au lance-flemmes et à la dynamite par l’annihilation de la-dite chose. Si la chose m’intéresse, c’est qu’elle en est peut-être autre chose.
Si cette forme extraterrestre, dont le vaisseau s’échoue sur notre planète il y a de cela plusieurs milliers d’année, dans les temps anté-historiques, si cette chose était la première forme qui nous paraît être autre chose que ce qu’elle est ; peut être serait-elle alors la première image ? Une image encore sauvage ? Cette question, il me semble, est soulevée par la problématique des images dites acheiropoïètes, car si une image n’a pas été construite, exécutée, dessinée par la main de l’homme, elle l’a forcément été par son œil. Ces images acheiropoïètes ne sont ni œuvre, ni ouvrage au sens où elles n’ont pas été « imaginées », elles surgissent du néant et s’imposent au regard.
Nous, homo-sapiens, sommes depuis longtemps maintenant producteurs d’images. Celles-ci semblent être apparues en même temps que notre espèce. Cette « aube des images », l’avons nous fait naître, surgit-elle de l’intérieur des hommes ou à la manière carpenterienne, l’avons nous subie ? Est-elle venue à notre rencontre ? Les images ont-elles surgi du néant comme cette chose surgit des profondeurs de l’espace et du temps ? Au mot « acheiropoïète » j’aimerais ajouter celui de « paréidolie », littéralement « à côté de l’image » ou l’image fausse. Ce terme décrit le dysfonctionnement de la capacité du cerveau humain à reconnaître des formes qu’il a déjà vues au point de reconnaître quelque chose même en son absence. La paréidolie, c’est donc ce moment où la connaissance se transforme en reconnaissance. Où un regard regardant distingue une silhouette familière là où il n’y a désespérément rien. Le rocher devient un colossale visage pétrifié, l’empreinte fendue d’un sabot le sexe féminin ; et je ne peux m’empêcher de penser que ce phénomène est pour beaucoup dans l’apparition de ce que nous appelons aujourd’hui les images, qu’il soit possible que nous n’ayons jamais inventé la représentation mais que nous l’ayons simplement apprivoisée.
Ce surgissement des images, cette découverte de la métamorphose, est un chamboulement des frontières de la perception. Quelque chose peut prendre la forme d’une autre, peut sembler être ce qu’elle n’est pas. Nous pouvions alors, en renversant le processus, re-présenter ce qui n’était pas présent et inventer alors l’image, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. L’ocre rouge sur la paroi devient animal, les étoiles des constellations.
L’image dite acheiropoïètes est une seconde invention des images, un deuxième surgissement. Tous les monothéismes se méfient des images, des idoles païennes et autres veaux d’or. Mais l’un d’entre eux deviendra absolument iconophile, et ces images acheiropoïètes donc, dans la magie de leur apparition, sont au-dessus de tout soupçons idolâtre : c’est le voile de Véronique, qu’elle dépose sur le visage de Jésus alors qu’il se dirige vers son calvaire. Sur ce voile s’imprime la sainte face et il devient pour l‘église orthodoxe la première et vraie icône, donnant par la même occasion un nom à la sainte. Cette image divine est représentation, c’est l’image de l’image, comme une appropriation et à nouveau l’apprivoisement de l’inexplicable.
La plupart des images qui nous apparaissent aujourd’hui sont le plus souvent le reflet ou l’écho d’une image que nous avons construites. Ainsi nos apparitions contemporaines sont la plupart du temps évocatrice d’une représentation archétypale, de figures religieuses ou d’images devenues iconiques par leur diffusion, et nous ne voyons dans ces mises en formes non plus le sujet représenté mais l’image qui l’a déjà représenté. Ainsi n’importe quel visage devient la manifestation divine de Jésus Christ ou de la Vierge. La sainte face d’aujourd’hui apparaît sur un toast, une poêle, une trace d’humidité, épiphanie du quotidien et survivance d’une archaïque histoire des images.
Et si nous reconnaissons uniquement ce que nous connaissons déjà, alors le monde qui nous entoure, naturel et artificiel, se présente comme une bibliothèque infinie d’images encore inconnues, que nous allons découvrir et fabriquer. Chaque falaise qui exhibe ces formes déchirées et acérées, chaque arbre à l’écorce remplie d’anfractuosités, chaque toast sur lequel les brunes brûlures peignent des paysages et des silhouettes inconnus sont des iconothèques infinies, contenant toutes les images que nous avons oubliées, que nous avons déjà apprivoisées ou que nous découvrirons.
Si ces images nous paraissent si intrigantes et si ce processus nous impressionne fortement, c’est que, hier comme aujourd’hui, que lorsque nous identifions dans des formes structurées aléatoirement quelque chose de familier, la forme identifiée recouvre et dissimule la nature essentielle de ce que nous regardons. Il nous devient impossible d’observer, de retirer le rideau du voir. Il nous est impossible de concevoir une image sans le processus humain de leur fabrication, mais alors, l’effet devait être encore plus frappant au temps de la naissance de ces dites images !
Y-a-t-il une différence entre les parois irrégulières d’une cavernes ou se dessine un ventre, une encolure, la tête d’un cheval, et la surface aléatoirement grillée d’un toast ? Les images surgissent et s’imposent à nous. C’est dans la nuit obscure, lorsque les contours se troublent, lorsque les silhouettes se transforment, où plus rien n’est tout à fait comme à son habitude, c’est dans cette obscurité qui dissimule, qui permet toutes les métamorphoses que le caméléon appelé par d’autres regard déguise — ou nous révèle — le monde sensible qui nous entoure.
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